Saturday, July 29, 2006

SEPTOUM

C'est en Alexandrie que je l'ai rencontré... (bluette)
*
C'est en Alexandrie que je l'ai rencontré
Prêt à nous annoncer le retour des Barbares
Ils venaient, disait-on, de passer la frontière
Visage parchemin, coeur redevenu grave
Il était déjà mort et je n'étais pas né
Par hasard nos regards se sont alors croisés
Deux regards au-dehors vers la mer démontée.

Eboulis des reflets sur la mer démontée
Le vent hurle à la mort, urgence à rencontrer
Visage parchemin, coeur redevenu grave
Prêt à nous annoncer le retour des Barbares
Par hasard nos regards se sont alors croisés
Par-delà les années, défaites les frontières
Nous verront-ils encore, ceux qui ne sont pas nés ?

Où navigueront-ils, ceux qui ne sont pas nés
Eblouis des reflets sur la mer démontée ?
Les mots ne sont qu'ennui d'encre pour les Barbares
Le vent hurle à la mort, urgence à rencontrer
Par-delà les années, défaites les frontières
Visages advenus, traces de coeurs gravés
Lorsque nous serons morts, tous nos destins croisés.

Dans les sables gisant, gardant les bras croisés
Où navigueront-ils, ceux qui ne sont pas nés ?
Nous sommes-nous déjà quelque part rencontrés ?
Tout est possible aussi tout reste à démontrer
Visages advenus, traces de coeurs gravés
Les mots ne sont qu'ennui d'encre pour les Barbares
Au-delà de nos nuits, la dernière frontière.

A l'heure de partir, en passant la frontière
Dans les sables gisant, gardant les bras croisés
Tout est possible aussi tout reste à démontrer
Que nous laisseront voir ceux qui ne sont pas nés ?
Comment dans cette nuit séduire les Barbares ?
Nous sommes-nous déjà quelque part rencontrés ?
Pourquoi cet oeil mauvais, et pourquoi cet air grave ?

Le temps s'évanouit, chaque heure se fait grave
A l'heure de partir, en passant la frontière
Que nous laisseront voir ceux qui ne sont pas nés ?
Barbares renommés nous renommant croisés
Au creux d'un tel miroir, qu'espérer rencontrer ?
Tant de regards perdus sur les mers démontées
Comment dans cette nuit séduire les Barbares ?

Elle revient au jour la question des Barbares
Le temps s'évanouit, chaque heure se fait grave
Barbares renommés nous renommant croisés
Ils venaient, disait-on, de passer la frontière
Tant de regards perdus sur les mers démontées
Il était déjà mort, et et je n'étais pas né
C'est en Alexandrie que je l'ai rencontré.

La quenoum, mélange de pantoum (tradition malaise, exemple chez Baudelaire "Harmonie du soir") et de quenine, forme généralisée de la sextine (retrouver ce mot dans ce blog) est donc un poème construit selon des règles strictes, avec retour organisé par permutation de mots clés en fin de vers et retour tout aussi logiquement organisé des vers entiers (selon les règles découvertes par Ian Monk, voir "Quenoums", dudit, Petite Bibliothèque oulipienne n° 127, pages 24-25).
Ce septoum est donc une quenine-pantoum où n = 7 (erreur et variation, je vous baptise clinamen). La contrainte la plus épuisante ayant été pour moi, permettez que je m'épanche un instant, de ne pas faire le clown. Surtout lorsque la sono du voisin s'est mise à hurler sirop "Est-ce par hasard, si j'ai croisé ton regard ?" On est bien peu de chose.

On pourrait envisager, comme dans la sextine "classique", une sorte de tornada, dernier envoi reprenant les mots clés, en reprenant ici les sept vers non répétés, pour former une huitième strophe, éclairant - ou obscurcissant encore, c'est comme vous l"entendrez - les précédentes (strophes) .

Ce serait :

Deux regards au-dehors vers la mer démontée
Nous verront-ils encore, ceux qui ne sont pas nés
Lorsque nous serons morts, tous nos destins croisés ?
Au-delà de nos nuits, la dernière frontière.
Pourquoi cet oeil mauvais, et pourquoi cet air grave ?
Au creux dun tel miroir, qu'espérer rencontrer ?
Elle revient au jour la question des Barbares.

Eclairante citation quant au sens de tous ces mots alignés :

"Et maintenant qu'allons-nous faire sans barbares ?
Ces gens-là étaient une sorte de solution."
(Constantin Cavafy, évitez les trahisons attribuées à Marguerite Yourcenar)

Pour ceux qui voudraient s'écrire une quenoum
en voici matrice-résumé, strophe par strophe :
pour n = 7

a1 b1 c1 d1 e1 f1 g
g1 a2 d1 b1 f1 c2 e
e2 g1 b2 a2 c2 d2 f
f2 e2 a3 g2 d2 b2 c
c3 f2 g2 e3 b3 a3 d
d3 c3 e3 f3 a g3 b3
b d3 f3 c1 g3 e1 a1

abcdefg = mots clés