Monday, October 17, 2005

ROTROUANGE ECARTELEE (&2AIQ)

voici, qui a inspiré les deux ou trois propositions qui le suivront ici, le poème Les vers à soie de Jacques Roubaud (un sonnet) proposé à la réécriture sur la liste Oulipo, il a été publié dans le recueil "Les animaux de tout le monde" (Ramsay, 1983)

Les vers à soie murmurent dans le mûrier
ils ne mangent pas ces mûres blanches et molles
pleines d'un sucre qui ne fait pas d'alcool
les vers à soie qui sont patients et douillets

mastiquent les feuilles avec un bruit mouillé
ça les endort mais autour de leurs épaules
ils tissent un cocon rond aux deux pôles
à fil de bave, puis dorment rassurés

En le dévidant on tire un fil de soie
dont on fait pour une belle dame une robe
belle également qu'elle porte avec allure

Quand la dame meurt on enterre la soie
avec elle et on plante, sur sa tombe en octobre,
un mûrier où sans fin les vers à soie murmurent.

Poème, très court, de Gilles Corrozet (1510-1568) "Regarder la fin de son oeuvre" :

Ce n'est pas tout que commencer
Il faut voir si la fin est bonne
Car lors n'est pas temps d'y penser
L'oeuvre par la fin se couronne.

La femelle du papillon nommé bombyx mori pond avant de mourir très vite, comme tous les papillons, des milliers d'oeufs d'un jaune pâle; les oeufs fécondés appelés grains deviennent gris foncé, et c'est à cette couleur que les reconnaissent les méchants sériciculteurs, qui gaveront de feuilles de mûrier blanc les vers nés de ces oeufs. Les vers, devenus énormes (8.000 fois plus longs, 10.000 fois plus gros qu'à leur naissance), en se contorsionnant inlassablement trois à quatre jours durant forment en bavant leur cocon, pour s'y endormir chrysalides avant de devenir papillons (mais, dans neuf cent nonante-neuf cas sur mille, on ne leur en laisse pas le temps, on les met à bouillir vifs pour leur voler leur soie - un fil continu long de 700 à 1.500 mètres).
*Mûrier hanté
(rotrouänge)
*
Y bâfrant
sans
en manger les fruits mous,
souvent blancs,
dans
lesquels n'est pas de moût,
c'est fort peu soûl,
- du tout ! -,
Qu'au mûrier le ver va chantant.
*
Remâcher
chez
le ver est un penchant,
car hacher
ces
feuilles de mûrier blanc,
sans dents, lui prend
du temps
(mais sans l'empêcher de chanter)
*
S'endormant
quand
il a mangé son soûl,
il tourne en
lents
mouvements nés du cou
un fil très doux,
qu'il coud
s'enfermant, mais toujours chantant
*
Tout à coup
- Bouh ! -
une dame le prend
et le bout
tout
vif en le dévidant !
De vêtements
brillants,
cette dame aura su le coût...
*
Se sentant
en
partance après l'été,
la dame en
blanc
nous a donc demandé
de lui planter
hanté
mûrier... où le ver va chantant.
*
Rotrouänge écartelée. Forme fixe médiévale comprenant quatre neuvains du type [ Nombre de syllabes : 3 1 6 / 3 1 6 / 4 2 8 Schéma de rimes : a a b / a a b / b b a ] et dont le neuvième vers constitue un refrain approximatif. Voir ici. Tiens, j'en ai mis cinq, de neuvains, bon on va dire...
clinamen ?
*
2AIQ
*
Dans le mûrier blanc
les vers. De belles dames
devinent leur chant
*
Jusqu'au plus petit
tout imite le Bouddha
Les vers, repus, rotent
*
*
d'autres essais d'un peu tout le monde